Laon des origines à la Révolution
La butte témoin de Laon, où s’est implantée la cité ancienne, domine la plaine environnante d’une centaine de mètres. La topographie de cette ville en fait un site défensif exceptionnel, mais crée également un hiatus entre le centre urbain, siège des pouvoirs, et ses faubourgs. Ces derniers, isolés géographiquement, mais faisant partie intégrante de la ville, constituent un lien entre la cité et les campagnes environnantes. |
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Préhistoire et protohistoire
La ville haute a probablement connu une petite occupation néolithique vers 3.000 ans avant J.-C. En revanche, aucune trace de site des âges du Bronze et du Fer n’a été découverte jusqu'à maintenant. En ville basse, il existe des indices de sites de ces périodes, mais seul un site de l’âge du Fer a déjà été fouillé.
L'Antiquité plan 1
Nous n’avons, de Laon durant l’antiquité,
qu’une vision très sommaire. Il n’existe pas
de mention antique, les comptes-rendus de découvertes
anciennes sont très succincts et il n’y a pas eu de
fouilles récentes importantes. De plus, les dépôts
archéologiques sont peu épais et furent très bouleversés
par les importants travaux du Moyen Âge. Le statut de la
ville nous est totalement inconnu pour toute la période
antique. La seule route importante, reconnue comme étant
la voie romaine de Reims à Arras, passe à près de
quatre kilomètres du centre de la Cité.
Dans la ville basse, plusieurs sites
gallo-romains sont attestés. À proximité du faubourg
de Vaux-sous-Laon, peut-être fondé à cette époque,
une nécropole a livré, au XIXe siècle, des
incinérations avec vases à piédestal et
des inhumations. L’époque gallo-romaine est partout
présente dans la ville haute, aussi bien pour le Haut
Empire que pour le Bas Empire. Une nécropole du Bas
Empire a été découverte au XIXe siècle à
proximité de la porte Saint-Martin. Au moins pour l’Antiquité
tardive, il est certain que le castrum a été fortifié,
très probablement avec une muraille en maçonnerie, mais
il n'en a été retrouvé aucune trace incontestable
jusqu'à maintenant. L’occupation du Bas Empire
semble plus dense dans la Cité, à l’intérieur du
castrum, que dans le Bourg.
Le haut Moyen Âge plan 2
Entre 497 et 511, saint Remi élève Laon à la dignité de cité par la création d'un évêché démembré de celui de Reims.
Au Xe siècle, au pouvoir épiscopal s’ajoute le pouvoir royal, Laon étant un lieu de résidence fréquent des derniers rois carolingiens. Vers 945, Louis IV fit édifier une tour pour fortifier la domus regiae.
Un atelier royal de frappe monétaire est en activité à Laon à l’époque mérovingienne. Des monnaies carolingiennes portent également la marque de Laon, mais n’ont peut-être pas été frappées dans cette cité.
Au VIe siècle, la cité se confond encore probablement avec le castrum du Bas Empire. En 580, Loup, duc de Champagne a mis sa femme en sûreté à l'intérieur des murs de la ville de Laon (Grégoire de Tours, Historia Francorum, livre VI). Le tracé des remparts de la Cité, reconstruits ou agrandis à l’époque carolingienne, est totalement inconnu.
En dehors des murs de la Cité, à l’ouest,
le peuplement se développe dans le secteur de l’église
Saint-Julien. Les fouilles effectuées dans cette zone de 1996 à
2001 ont révélé un grand cimetière mérovingien. Installé
sur une pente dominant légèrement l’enceinte fortifiée de
la ville antique, il couvre une surface probable de 6 300 à
12 500 m², dans une zone occupée jusqu’au IVe
siècle, mais désertée au Ve siècle. Ce cimetière
contenait entre 1 200 et 2 800 sépultures placées côte
à côte et formant des rangées disposées en éventail.
L'absence de dépôts funéraires et la découverte, en 1998,
d'une
pierre funéraire paléochrétienne
permettent de supposer
qu’il s'agit d'un cimetière chrétien. Il semble avoir été
abandonné assez brutalement, soit volontairement, soit après
utilisation de tout l’espace
disponible. Ces fouilles
permettent de compléter l’histoire de Laon au début du
haut Moyen Âge. Jusqu’à présent, les historiens ont situé
à Saint-Vincent le premier et unique cimetière chrétien de la
ville, prétendument fondé par saint Remi et saint Génebaud,
premier évêque de Laon. Cette hypothèse, fondée sur des
sources historiques discutables et trop tardives, est en
contradiction avec les découvertes récentes. Le cimetière
fouillé en 1998 et 2001 est probablement légèrement antérieur
ou contemporain de la fondation de l'évêché. Par sa
localisation, il a rapidement gêné l’expansion urbaine, la
ville ne pouvant s'étendre que vers l’ouest du fait de sa
topographie. Au VIIe ou au VIIIe siècle,
le cimetière aurait été transféré à Saint-Vincent, ce qui
expliquerait la tradition attachée à cette abbaye. L’église
Saint-Julien, citée dès le IXe siècle, serait l’héritière
de la première implantation dont seule la chapelle Saint-Génebaud
aurait conservé le souvenir.
Un ou plusieurs noyaux de peuplement semblent également se développer sur le bras sud-ouest de la butte. Au XIXe siècle, une sépulture mérovingienne fut mise au jour lors de la construction de l’École Normale. La basilique Saint-Vincent apparaît dans les sources historique à la fin du IXe siècle. Elle devient un monastère en 961.
En ville basse, le faubourg de Vaux existe probablement avant même le haut Moyen Âge et les faubourgs de Saint-Marcel, de Semilly et de Leuilly apparaissent peut-être à cette époque. Le faubourg d’Ardon semble assez tardif et encore quasi inexistant au Xe siècle.
La Cité renferme la cathédrale, reconstruite dans le premier tiers du IXe siècle, la résidence de l’évêque et le cloître des chanoines au nord, et, au sud, le palais royal et l’abbaye Notre-Dame (abbaye Saint-Jean), fondée hors les murs en 648 par Sainte Salaberge. La seule église de la Cité, mentionnée avant la fin du Xe siècle, est l’église Sainte-Geneviève. La collégiale Saint-Corneil et Saint-Cyprien, reconstruite et probablement déplacée dans la seconde moitié du XIIIe siècle, serait une fondation carolingienne, comme le premier Hôtel-Dieu construit à proximité du palais royal. La majorité des églises de la Cité remonte cependant peut-être à la fin du haut Moyen Âge, à l’exemple de Saint-Martin-au-Parvis qui fut reconstruite au XIe siècle. Dans le Bourg, les fouilles de la rue Saint-Martin ont mis au jour des vestiges d’artisanat de la fin du haut Moyen Âge.
Le Moyen Âge plan 3
Dès la fin du XIe siècle, Laon
connaît un développement très important, et, vers le milieu du
XIIIe siècle, la ville abrite une population d’au
moins 10.000 habitants, dont environ les deux tiers occupent la
ville haute. La Cité reste le centre des pouvoirs, le roi et l’évêque
étant co-seigneurs de la ville. Durant tout le plein Moyen Âge,
elle est le champ clos de conflits qui opposent ou unissent le
roi, l’évêque, le chapitre cathédral, les abbayes et l’institution
communale. Cependant, le roi, de plus en plus absent malgré le déplacement
et la reconstruction, vers 1200, du palais royal et d’un
donjon, laisse face à face l’Église et une bourgeoisie
naissante issue de l’aristocratie locale. Après la révolte communale de 1112, l’évêque ne joue plus un rôle prépondérant,
mais le plus important chapitre cathédral de France – 83
chanoines en 1270 – pèse de tout son poids sur la ville.
Par exemple, il interdit, avec l’aide de l’évêque, la
création d’un grand marché. En 1331, il obtient l’abrogation
définitive de la charte de paix accordée en 1128, et qui avait
favorisé le développement économique de la ville. Après la
suppression de l’institution communale, la ville est gouvernée
par un prévôt royal, le beffroi, construit vers 1180, étant
transformé en prison royale. Laon devient le siège du très
important bailliage de Vermandois en 1237 et est élevée au rang
de présidial en 1551. Elle perdra sa prééminence au profit de
Soissons à l’extrême fin du XVIe siècle. Aux
XIIesiècles, Laon connaît un essor économique
important, mais en l’absence de grandes foires et par manque
d’investissements de la bourgeoisie locale dans le développement
préindustriel, cet essor n’aura pas de suite.
À partir du début du XIIe siècle,
l’occupation urbaine colonise toute la ville haute, s’étend
hors des murs, gagne les pentes de la colline le long des voies d’accès.
Les écarts et faubourgs, situés en ville basse, se développent
également et celui de La Neuville est créé vers 1180. Les
zones périphériques, marécageuses ou forestières, sont mises
en valeur par les établissements religieux et par la commune. Au
nord de la ville, de grandes exploitations agricoles se développent
autour de fermes d’abbayes ou de seigneurs laïcs. Laon, au
Moyen Âge, est constituée de quatre zones concentriques.
Premier cercle, la ville, enceinte de ses murailles, domine la
plaine environnante ; elle est couronnée des symboles des
pouvoirs qu’elle enserre : les flèches de la cathédrale et
des églises et abbatiales, le donjon royal, le beffroi communal.
Le second cercle, au-delà des murailles et des quartiers extra-muros
qui s’y sont accolés, peu bâti mais très humanisé, est
constitué des pentes de la butte, presque totalement couvertes
de vignes, dont beaucoup sont cultivées en terrasses et encloses
de murs. Dans le troisième cercle, au pied de la colline, on
trouve des écarts (léproserie Saint-Lazare, pressoir Mainard,
quartier de Bousson...) et les faubourgs au caractère rural bien
marqué, à l’exception de Vaux, plus urbain et défendu par
des fossés. Le quatrième et dernier cercle est constitué d’exploitations
agricoles peu densément peuplées. Au-delà, à l’extérieur
des limites de la paix de Laon et du territoire actuel de la
commune, on trouve une ceinture de villages ou de bourgs, fortifiés
comme Crépy ou Bruyères, ou ayant une maison forte comme à
Clacy ou Aulnois.
La Cité est entièrement ceinte de remparts dès
le XIe siècle. À l’ouest, le Bourg est fortifié
petit à petit, entre le XIIe et le XIVe siècle.
Vers 1350, toute la ville haute est urbanisée et enclose, à l’exception
de deux quartiers. Encore aujourd'hui, les remparts sont presque
intégralement conservés en élévation, et, malgré les
remaniements postérieurs, leur tracé est resté très proche de
celui du milieu du XIVe siècle. La Cité est peu
ouverte sur l’extérieur, ses murailles n'étant percées
que de quatre portes fortifiées et d’une poterne. Seule la
porte Morté, accolée au donjon, permet de passer de la
Cité au Bourg. Celui-ci est moins fermé, comptant au moins dix
portes ou poternes. Les portes de la ville donnent accès aux
routes et chemins descendant vers les faubourgs et villages
voisins, alors que les poternes permettent surtout d’aller
dans les quartiers extra-muros et de gagner les vignes cultivées
sur les pentes. Au pied des remparts, une source aménagée, dite
fontaine, correspond à chaque porte de la ville. Les
voies d’accès de la ville haute suivent les ravins
creusés par l’écoulement des sources. Ces chemins sont très
pentus, encaissés et relativement rectilignes, ce qui permet de
sortir ou d’entrer discrètement dans la ville sans nuire à
la défense, le tir d'enfilade restant possible.
Durant le bas Moyen Âge, la ville se rétracte
et sa population décroît fortement.
Au XIIe siècle, la ville connaît une intense activité d’édification et reconstruction. Le chantier le plus important est celui de la cathédrale et du quartier canonial et épiscopal. Le Bourg et de rares espaces libres dans la Cité font l’objet de lotissements.
L’étude des vestiges de bâtiments médiévaux montrent que le réseau de voirie s’est fixé au plein Moyen Âge. Il a subi peu de modifications depuis, mais certaines rues et ruelles ont disparu, soit par appropriation ou vente du domaine public (ruelles), soit à cause de la construction de grands bâtiments (Congrégation Notre-Dame, citadelle).
La Cité est densément peuplée, mais les établissements
religieux occupent un espace important, surtout dans la partie
centrale. Au nord, on trouve l’ensemble cathédral et, au
sud-ouest, la puissante abbaye Saint-Jean. Le château royal a été
reconstruit dans la partie ouest de la Cité. Au nord, la zone
comprise entre la cathédrale et le château est principalement
habitée par l’aristocratie locale et par la haute
bourgeoisie. Au sud et à l’est du cloître du chapitre cathédral,
commerçants et artisans partagent l’espace restant avec de
nombreux établissements conventuels et des refuges d’abbayes.
L’extrémité est de la Cité est le cœur économique
de la ville. À proximité du beffroi, au nord, se trouve la
halle et le grand marché, au sud, une zone occupée par des
entrepôts. La Cité abrite neuf églises paroissiales.
Le Bourg est moins densément peuplé que la Cité et les établissements religieux y occupent, proportionnellement, moins de superficie, malgré le vaste enclos de l’abbaye Saint-Martin. Les Cordeliers se sont d’abord installés dans le Bourg en 1234 avant d’édifier leur couvent dans la Cité vers 1269. Le Bourg montre des quartiers très urbanisés, une zone artisanale et, vers l’ouest, des étendues encore utilisées pour l’élevage et l’agriculture. Des moulins à vent sont construits à l’ouest de la butte, ainsi que près de Saint-Vincent. Le Bourg compte sept paroisses.
À la fin du Moyen Âge, les faubourgs de La Neuville, Saint-Marcel, Vaux, Ardon et Semilly sont des paroisses indépendantes.
Les Temps Modernes plan 4
En 1594, la ville, qui avait pris le parti des
Ligueurs, capitule devant Henri IV. En 1596, le présidial est
transféré à Soissons qui devient siège de la Généralité en
1599. Ce n’est qu’après la Révolution que Laon
retrouve sa prééminence en devenant chef-lieu du département ;
en revanche, elle perd à cette occasion son évêché.
Les limites de la ville, telles qu’elles sont connues pour le Moyen Âge, changent peu jusqu’au XXe siècle. La ville haute se rétracte cependant à ses deux extrémités, à l’ouest par la disparition quasi totale du quartier Saint-Etienne et, surtout, à l’est avec la construction d’une citadelle que Henri IV fait ériger en représailles à une trop longue résistance. Le cœur économique de la ville disparait dans cette opération. Cette citadelle n’a qu’une piètre valeur défensive ; jusqu’au milieu du XIXe siècle, les fortifications sud, est et nord sont constituées des murailles médiévales.
Jusqu'à la révolution, la structure interne
de la ville reste assez proche de ce qu’elle était au Moyen
Âge. Du XVIe au XVIIIe siècle, un certain
nombre de bâtiments religieux sont partiellement ou totalement
reconstruits ou agrandis, d’autres sont créés : auditoire
pour la justice de l’évêque en 1571, Petit Saint-Vincent
en 1529-1534, séminaire en 1670, couvent de la Congrégation
Notre-Dame en 1624-1632, couvent des Capucins en 1614-1621 et hôpital
général de 1677 à 1690.
La construction de la citadelle causa le déplacement des habitants de ce quartier vers le centre de la Cité, déjà très peuplée. Au XVIIe siècle, de nombreux immeubles sont rénovés ou reconstruits, le parcellaire médiéval, morcelé dès le XIIIe siècle, est de nouveau adapté à l’augmentation de la population ; dans les rares espaces restés libres, cours et arrière-cours par exemple, on construit des bâtiments, souvent en pan de bois, afin d’accroître les surfaces habitables. Les clercs et les gens de robe, nombreux à Laon sous l’Ancien Régime, édifient de grands hôtels dans les limites du cloître Notre-Dame et dans le Bourg. Le dernier grand chantier réalisé avant la Révolution, qui ne sera pas une réussite technique incontestable, est la construction de casernes de cavalerie à l’extrémité ouest du Bourg.
Service archéologique
de Laon
Mise à jour mars 2002
Bibliographie
BUR (Michel), dir. - Histoire de Laon et du Laonnois. Privat, 1987, 304 pages.
JORRAND (Jean-Pierre). - Laon dans « Archéologie des villes. Démarches et exemples en Picardie ». Revue Archéologique de Picardie, 1999, n° spécial 16, pp. 61-66, planches VI à VIII. (Le texte précédent est un résumé de cet article).
LUSSE (Jackie). - Naissance d’une cité : Laon et le Laonnois du Ve au Xe siècle. Presse Universitaire de Nancy, 1992, 424 pages.
PLOUVIER (Martine). - Laon. Ville haute. Aisne. Coll. « Image du Patrimoine », n° 66. Inventaire Général de Picardie, 1989, 64 pages.
PLOUVIER (Martine) et alii. - Laon. Une Acropole à la française. Inventaire général, « Cahier du patrimoine » n° 40, volume 1, 431 pages.
PLOUVIER (Martine) et alii. - Laon. Belle île en terre. Inventaire général, « Cahier du patrimoine » n° 40, volume 2, 263 pages.
SAINT-DENIS (Alain). - Apogée d’une cité : Laon et le Laonnois aux XIIe et XIIIe siècles. Presse Universitaire de Nancy, 1994, 652 pages.
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